La perception du monde et du mat selon que l'on est roi ou reine
published onJe pose le doigt sur sa couronne boisée, ébène, j'ai eu les noirs. Oups, toucher c'est jouer et tout compte fait j'aurais mieux fait de faire un pas de côté. Le jeu d'échecs atteint une élégance certainement involontaire en proposant plusieurs paradoxes.
Misogyne ? Mais voyons, si le roi est certes la pièce nevralgique, il est aussi beaucoup moins fort que la dame. Celle-ci m'a toujours fait penser à la reine Victoria : militaire, suffisante, dominatrice.
Raciste ? Historiquement, les pièces et les cases n'étaient pas blanches et noires mais, façon Stendhal, rouges et noires. C'est nous qui aujourd'hui transposons nos fantasmes et nos culpabilités.
Spéciste ? De même que l'on dit indifférement dame et reine, il est possible de dire cheval pour cavalier. Seule pièce à pouvoir sauter, il semble au contraire goûter une authentique liberté. Auparavant, il y a avait l'éléphant (les Espagnols disent encore alfil pour le fou)
Où en étais-je ? Ah oui il faut la jouer cette dame. Elle ira loin. Elle le peut, pourquoi s'en priver ? Ici, à l'abri, très bien. Cette combinaison existe quelque part, il y a eu tellement de partiesjouées; ce serait bin de savoir si "ça gagne".
C'est comme cette histoire de séquençage du génome humain. 20 000 gènes soit une énorme quantité minime. Une boite avec 20 000 pièces de lego et hop, en assemblant bien, voilà la bonne combinaison pour faire un être humain. La Mettrie et son homme-machine, pas idiot tout compte fait. Le généticien disait qu'une cellule c'était environ 500 Go de données. Ca veut tout dire et rien dire à la fois. Mais au fur et à mesure, il finit par dire que cet espoir de pouvoir circonscrire la combinatoire du vivant semblait impossible. Il parle du mille-feuille multiomique (génomique, transcriptomique, protéomique, épigénomique, métabolomique) qui oblige à considérer le vivant non pas comme une machine mais comme un système.
Le mathématicien Claude Shannon, père de la théorie de l'information et adepte du jonglage, avait estimé à 10 puissance 120 le nombre de parties possibles. Mais là encore on est encore que dans le vertige de l'infini, pas dans le prodige de l'interaction. Par exemple, au morpion, le premier est sûr de gagner si le deuxième ne biffe pas la case centrale. La combinatoire est aisément traçable. Le jeu d'échecs serait la carte de l'Univers quand le morpion c'est la salle de bains.
Eh bien le vivant ce n'est même pas la carte du multivers, c'est encore autre chose. C'est la confirmation que oui l'Être n'est pas un ensemble de choses, mais un ensemble de relations.